Avertissement. Cet article n’est pas une création mais a été tiré sans modifications de la revue Hors Série n°2 :« Le lac du Bourget, chronique d’un lac ». Cette revue est une création du conseil général de la Savoie, conservation départementale du patrimoine. (Hotel du département - BP 1802 73018 Chambery cedex).
Le lac du Bourget, un lac relique.
Le lac du Bourget, avec ses 18 km de longueur, ses 2,8 km de largeur maximale, ses 146 m d’eau dans sa plus grande profondeur et sa cote réglée à1 231,5 m, n’est que le reliquat d’un vaste lac primitif, consécutif à la dernière glaciation.
En effet, le plan d’eau du Bourget doit son existence au passage des glaciers alpins, à leur énorme pouvoir d’érosion capable de creuser un bassin (ombilic) bien au-dessous du verrou rocheux de Pierre-Châtel (La Balme), établi aujourd’hui vers 223 m. Guidés par les structures géologiques, les derniers glaciers de l’Isère au Sud et du Rhône au Nord, se sont affrontés vers Aix-les-Bains/Châtillon. Entre Bauges et Chartreuse puis dans les vallées synclinales molassiques du domaine jurassien, entre montagnes de Chambotte-Gros Foug et du Chat-Colombier puis montagnes de Parves et du Chat, le puissant surcreusement a été occupé par un lac de près de 47 km de long et de superficie voisine de 200 km 2’, entre Challes-les-Eaux au Sud, Seyssel au Nord et Yenne à 1’ouest (fig. 1).
- 70000 à -15 000. Les glaciers, d’âge würmien, ont creusé, près de 450 m au-dessous de la plaine alluviale ancienne de la vallée d’alors si l’on se réfère aux banquettes préservées du Tremblay à La Motte-Servolex, de Chambéry-le- Vieux -Voglans, de Groisin a Chindrieux ou de La vierge d’Anglefort près de Seyssel. La base du lac du retrait glaciaire s’établissait autour de 100 m sous le niveau de la mer, la cote du plan d’eau vers + 260 m.
Ce puissant lac primitif s’est progressivement comblé’, sans aucun doute par étapes, contrôlées par les événements climatiques, à partir des dépôts glaciaires et associés puis par les apports alluviaux de la Leysse et de l’Hyère au Sud, du Sierroz et du Séran latéralement et surtout du Rhône et du Fier au Nord. Cet alluvionnement, grossier près des zones d’apport (deltas), est franchement limono-argileux en zone éloignée. E. Chapron (1999) a distingué cinq grandes unités dans les sédiments sous le lac actuel, à partir de données sismiques (fig. 2).
À la base, une unité glaciaire épaisse de 80 à 120 m, comble les irrégularités du fond érodé par les glaciers ; elle a un faciès hétérogène, allant de la moraine de fond à des moraines d’ablation.
Puis suit une unité 2, d’une épaisseur de 100 m, à faciès glacio-lacustre dans un lac proglaciaire, les glaciers s’étant retirés largement du centre de l’ombilic. De légères stratifications apparaissent dans les sédiments fins.
Un retour du glacier de l’Isère est proposé vers le Sud jusqu’à hauteur de Saint-Innocent.
Une unité 3, de 60 à 70 m d’épaisseur, se développe sur l’ensemble du lac actuel, avec des sédiments fins aplanis, témoins encore d’influences froides.
Puis une unité 4 traduit définitivement des apports depuis les seuls cours d’eau, le Rhône (75 m d’épaisseur), le Sierroz (40 m) et la Leysse (30 m). Des glissements en masse affectent cette unité. Enfin, poursuivant l’unité précédente, l’unité 5 drape l’ensemble des sédiments. Finement laminée, elle a une épaisseur constante de 15 m. Le lac n’est plus relié directement au Rhône.
Quant à la chronologie du comblement du lac primitif pour arriver au lac actuel, E. Chapron propose un creusement antérieur à 35000 ans, accompagné des dépôts des unités 1 et 2. La récurrence iséroise serait peu antérieure à 15000 ans BP.
- 15000 à -13 000. L’essentiel du remplissage glacio-lacustre (unités 3 et 4 en partie) se serait développé au Dryas ancien entre 15000 et 13000 BP. À cette période, le lac se trouvait déjà sérieusement réduit en longueur (sensiblement 20 km) et en cote (niveau voisin de 223 m, cote du seuil de Pierre-Châtel). L’amont de la Chautagne et le site de Chambéry étaient occupés par de larges plaines alluviales, balayées par les cours d’eau. La fin de l’unité 4 marquerait la transition Tardi-glaciaire Holocène au moment où le Rhône édifiait ses bourrelets alluviaux qui l’écartait du lac. Ce dernier a donc commencé à monter, en inondant successivement les sites d’occupations humaines et déposant la pellicule fine de l’unité 5 attribuée à l’Holocène. Parallèlement, se développaient les tourbières de Chautagne et de Lavours.
Ainsi donc, le lac du Bourget n’occupe guère plus qu’un dixième du volume de ce qu’il a été au retrait des glaciers würmiens. Les sédiments concentrent l’évolution des événements depuis 35 000 ans. Son histoire nous est d’autant plus précieuse que cette vallée du Bourget contient, sur ses flancs, des traces d’un lac encore plus ancien, de cote supérieure, consécutif à l’avant -dernière glaciation. Aussi, comme toute relique, notre lac mérite vénération !
Gérard Nicoud
Bibliographie
• Monjuvent G. et Nicoud G., 1988. Les paléo-Lacs des vallées alpines du Grésivaudan, du Bourget et d’Annecy, France. Documents du CERLAT, 1, p. 213-231.
• Chapron E., 1999. Contrôles climatiques et sismo-tectonique de la sédimentation lacustre dans l’avant-pays alpin (lac du Bourget) durant le Quaternaire récent. Géologie alpine, mémoire H.S., n° 30, 258 p.
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