Que voit-on sur le fond des lacs ?

Article tiré du « Le tour des grands lacs alpins naturels en 80 questions »

  • Valérie Verneaux, Université de Franche-Comté, Chrono-Environnement, UMR 6249 CNRS
  • Stéphan Jacquet, INRA CARRTEL

Une grande diversité d’organismes macroscopiques (visibles à l’œil nu) colonise les substrats qui constituent le fond des lacs. Ces végétaux et animaux benthiques (vivant sur le fond) assurent de nombreuses fonctions : production, consommation, dégradation et recyclage de la matière organique, transfert de matière organique vers les organismes de pleine eau.

Des ceintures végétales inégalement développées dans les grands lacs alpins

Myriophylle Les macrophytes [1] se développent dans des zones favorables (substrats fins, faible agitation, faible pente) où la lumière permet d’assurer la photosynthèse, et s’organisent en herbiers plus ou moins denses. Ils vont rarement au-delà de 15 mètres de profondeur. Les différentes espèces répertoriées au sein des grands lacs (entre 0 et 5 m de profondeur) sont souvent indicatrices de la qualité du milieu. Certaines sont typiques d’eaux et de sédiments riches en nutriments comme les myriophylles, les potamots, les élodées… alors que d’autres, comme les characées, signent des conditions plus pauvres en nutriments (milieux dits oligotrophes/mésotrophes).

Au cours des précédentes décennies, la composition des végétaux lacustres a beaucoup évolué en nombre d’espèces, en pourcentage de recouvrement et de biomasse [2] , en réponse notamment à la restauration de la qualité du milieu. Le nombre d’espèces différentes est de l’ordre de 20 ; on retrouve souvent les mêmes entre les grands lacs, mais l’abondance de chacune d’elle peut différer. D’une valeur patrimoniale reconnue (avec notamment une espèce protégée en Rhône-Alpes : la grande naïade), cette ceinture végétale abrite de nombreux animaux car elle constitue des zones de nourrissage, de camouflage et de reproduction. Outre les poissons comme les brochets, on y trouve différents types de macroinvertébrés.

Une grande richesse de macro-invertébrés benthiques

Ce sont des animaux (photos 5 à 7) très diversifiés notamment les vers, les escargots, les insectes, les écrevisses… visibles à l’œil nu. Les substrats littoraux des grands lacs (rochers, galets, graviers, sables, macrophytes) abritent une grande richesse de macro invertébrés benthiques (50 à 60 taxons [3]). Ces animaux se développent dans les zones peu profondes où ils s’alimentent en broutant des micro-algues benthiques, en filtrant le plancton ou en ingérant les détritus organiques. Ils constituent une ressource alimentaire importante pour les poissons.
Dans le lac d’Annecy, leur nombre en zone littorale est cependant moins élevé (4000 individus/m2) que dans le lac du Bourget ou dans le Léman (>10000 individus/m2). Les macro-invertébrés benthiques se développent également en zones profondes où ils colonisent les premiers centimètres des sédiments.
Dans les grands lacs alpins, la richesse taxonomique répertoriée récemment est proche de 20 pour le lac d’Annecy (à 55 m) et dans le Léman (à 200 m) alors qu’elle n’est que de 10 dans le lac du Bourget (à 96 m). Les différences de richesse des peuplements profonds entre les lacs peuvent être interprétées en termes d’oxygénation des sédiments. Dans le lac du Bourget, il semble que l’oxygénation de la zone profonde soit plus limitée que dans les deux autres lacs, expliquant une plus faible diversité.
Dugesia Le nombre total d’espèces de macro-invertébrés benthiques des grands lacs alpins n’est pas connu. Toutefois, dans le lac d’Annecy, une étude consacrée aux seuls chironomes (insectes, diptères) a répertorié 137 espèces, dont certaines sont caractéristiques des lacs oligo-mésotrophes (pauvres en éléments nutritifs).
La diversité globale de l’ensemble des macro-invertébrés lacustres est donc probablement importante.

Par rapport aux peuplements présents au début du xxe siècle, les peuplements actuels sont appauvris en espèces emblématiques des grands lacs peu productifs (oligotrophes) et sont enrichis d’espèces exotiques comme les moules zébrées ou les corbicules. Les peuplements de macro-invertébrés benthiques témoignent encore des perturbations anciennes, comme les pollutions des années 1970 et de l’existence de conditions actuelles limitant le retour des espèces caractéristiques des grands lacs oligotrophes.
Les conséquences du développement de l’ensemble des espèces exotiques invasives sur celui des espèces natives restent à approfondir.

Ce qu’il faut retenir
Des invertébrés nombreux et diversifiés se développent dans ou à proximité du fond des grands lacs et constituent une ressource alimentaire importante pour les poissons littoraux, mais également pour les poissons pélagique [4] comme les corégones et l’omble chevalier. La végétation immergée, dont la composition varie en fonction des lacs, joue un rôle écologique majeur dans le fonctionnement de l’écosystème.

[1Macrophyte Plante aquatique visible à l’œil nu.

[2Biomasse Masse totale des organismes végétaux et/ou animaux contenus dans un milieu, à un instant donné.

[3Taxon Entité arbitraire qui regroupe des organismes vivants possédant certains caractères communs. On l’assimile souvent à l’espèce ou à une variété de l’espèce.

[4Pélagique : Vivant en pleine eau.

Posté le 2 septembre 2018 par administrateur