Qu’est-ce qu’un écosystème lacustre ?
Article tiré de « Lacs alpins naturels en 80 questions »
Stéphan Jacquet, Isabelle Domaizon, Marie-Elodie Perga, Rémy Tadonléké, INRA CARRTEL
Un écosystème lacustre est constitué par les organismes vivant dans le lac et leur environnement physico-chimique. L’écosystème représente donc un ensemble d’interactions existant entre les espèces vivantes ainsi qu’entre ces espèces et les facteurs environnementaux. La diversité et les rôles fonctionnels des espèces sont des éléments importants à prendre en considération pour comprendre l’état et le fonctionnement d’un écosystème lacustre.
De nombreuses interactions entre organismes régissent le fonctionnement des écosystèmes
Les principaux rôles fonctionnels classiquement exercés par les espèces au sein des écosystèmes sont des rôles de producteurs, de consommateurs et de recycleurs des matières organiques et minérales. Ces fonctions orchestrent la production biologique dans l’écosystème, notamment pour produire le stock piscicole. Le bon équilibre entre ces différentes fonctions est un facteur clé dans l’état de qualité des lacs.
Le schéma ci-contre (fig.1) permet de résumer les principales interactions qui existent en pleine eau (zone pélagique). Il montre l’ensemble des chaînes alimentaires typiques (qui forment un réseau alimentaire) par lesquelles l’énergie et la matière biologique circulent au sein du lac. On pourrait également adapter ce genre de schéma au cas des berges avec les macrophytes (zones littorales) ou au cas des zones benthiques (fond du lac).
Les transferts et le recyclage d’énergie et de matière
Les transferts d’énergie et de matière entre les différents compartiments biologiques ne sont généralement pas optimums et une grande partie est perdue sous forme d’excrétion et de restes des organismes dans le milieu environnant. Une des conséquences liée à ces pertes est que plus on s’élève dans le réseau (on parle alors de niveaux trophiques), moins les individus sont nombreux et moins la biomasse [1] est importante.
Ces restes organiques ne sont pas perdus pour autant : ils sont utilisés par les décomposeurs (bactéries, champignons) qui vont les recycler pour fournir à nouveau des éléments minéraux utilisables par les producteurs, le phytoplancton en particulier. Ce recyclage s’opère dans la masse d’eau ou sur le fond du lac, où s’accumulent les restes organiques par sédimentation.
Cette capacité de recyclage naturel a ses limites. En effet, dans les situations où la production algale (dite production primaire) est très forte (sous l’effet d’apports excessifs en éléments nutritifs, phosphore notamment, dus à l’activité humaine), ni le transfert vers les maillons supérieurs de la chaine alimentaire ni le recyclage effectué par les décomposeurs ne permettent de maintenir un flux de matière et d’énergie en équilibre : c’est ce qui se passe lors des phénomènes d’eutrophisation par exemple.
Un exemple concret
Le schéma ci-contre (fig. 2) illustre deux cas qui se sont présentés dans les grands lacs alpins. Il y a le cas d’un lac pauvre en éléments nutritifs (dit oligotrophe) et celui d’un lac dit mésotrophe ayant des apports plus élevés en éléments nutritifs minéraux (phosphore en particulier). Si le lac le plus riche en éléments nutritifs permet de produire une quantité plus grande de phytoplancton à la base de la chaine alimentaire, cette ressource n’est pas forcément bien transférée aux maillons supérieurs, du fait de la présence d’espèces peu ou pas consommables, notamment de grande taille. Par conséquent, le bénéfice en terme de production piscicole pour ce lac n’est pas très bon, et le transfert peu efficace donne lieu à de nombreux restes dans le milieu (associés à des eaux de qualité médiocre à mauvaise).
À l’inverse, un lac ayant une production phytoplanctonique moindre (car avec moins de ressources en éléments nutritifs au départ dans le lac et caractérisé par un cortège d’espèces de bonne qualité nutritive et/ou plus petites) peut avoir un bon rendement en termes de transferts et de production. Dans ce cas-là, même si la production piscicole totale reste modérée, l’état de l’écosystème est très satisfaisant (transparence de l’eau, etc.).
Ce qu’il faut retenir
De la configuration du réseau trophique (la composition et la structure en taille des communautés vivantes) dépend l’efficacité du transfert d’énergie de la base (phytoplancton, micro-organismes) vers les consommateurs supérieurs (zooplancton, poisson) et au final de la qualité et du fonctionnement de l’écosystème lacustre dans son entier.
[1] Biomasse : Masse totale des organismes végétaux et/ou animaux contenus dans un milieu à un instant donné.