Tiré du cahier technique « Les roselières des fleuves et des lacs » [1]
Les roselières aquatiques forment la première bordure de végétation émergente des lacs et des cours d’eau lente. Elles colonisent, en franges riveraines ou en îlots, des zones d’eau peu profondes dont la hauteur n’excède généralement pas 1,5 m. Les roselières aquatiques sont dominées par des plantes spécialisées, les hélophytes (roseau commun, jonc, massette), dont les organes aériens (tiges, feuilles, fleurs) se développent à partir d’un système racinaire submergé. Ces plantes sont particulièrement adaptées à l’inondation et à la fluctuation du niveau de l’eau.
Les roselières aquatiques jouent un rôle très important dans le fonctionnement des milieux aquatiques :
- elles servent d’habitat ou d’abri pour nombre d’espèces animales (Cf. partie suivante) ;
- elles participent à l’épuration des eaux : filtration et décantation des matières organiques, assimilation de polluants (phosphore, nitrate, cyanure ou hydrocarbures ; les joncs métabolisent le phénol) ;
- elles jouent, lorsqu’elles sont suffisamment denses, un rôle de protection physique : directement au contact avec l’eau, elles amortissent la houle et le batillage et protègent ainsi tous les écosystèmes situés à l’arrière ;
- elles participent à l’attrait paysager des rives par leur profusion et leur « habillage » des berges.
Un habitat fortement menacé
Les roselières sont altérées et encore menacées aujourd’hui par les activités humaines et par l’artificialisation des berges. Ainsi, l’usage des rives et du bassin versant peut générer des remblais, l’utilisation de phytocides [2], la création de pontons, l’agrandissement des plages et le développement des activités nautiques. Elles peuvent également être abîmées et dégradées par les déchets flottants. A titre d’exemple, le Rhône qui se jette dans le lac Léman charrie beaucoup de bois. Un barrage flottant a ainsi dû être installé à l’embouchure du lac pour stopper et ramasser ces déchets à leur entrée dans le plan d’eau.
Certaines menaces sont plus spécifiques aux lacs ou aux fleuves
Pour les fleuves :
Le périmètre permettant le développement des roselières est en général délimité par les contraintes de courant, de batillage, ou les marnages hydroélectriques. Ces derniers (de fréquence journalière) semblent stopper la progression de la roselière. De plus, divers aménagements pour les activités humaines peuvent conduire localement à la volonté de ne pas laisser la roselière se développer : maintien d’un chenal de navigation, essartage pour une bonne circulation hydraulique…
Pour les lacs :
Le rabaissement et la régulation des niveaux d’eau, la raréfaction des arrivées de sédiments (exploitation en rivière) et de colluvions (urbanisation), associés à des vents parfois violents peuvent induire un processus d’érosion : la berge doit refaire son équilibre, aux dépens bien souvent du maintien et du développement de la roselière. Malgré l’abaissement du niveau d’eau, le front de la roselière ne peut progresser vers le large du fait de la houle (affouillement des rhizomes, agression des tiges par les déchets flottants). Ce facteur mécanique devient donc le principal facteur limitant.
De plus, la régulation du niveau des lacs peut entraîner dans la zone de développement potentiel de la roselière une profondeur d’eau trop importante au moment de la croissance des hélophytes, empêchant leur implantation. La contrainte physique du batillage [3] peut aussi être présente, quoique souvent moins marquée que sur un cours d’eau.
Le pâturage par la faune :
L’abroutissement des hélophytes par la faune peut être localement très perturbant : les jeunes pousses de roseaux ou les joncs des tonneliers sont souvent les proies des herbivores tels que les cygnes ou les foulques, qui les utilisent pour leur alimentation et leur nidification. Ragondins et rats musqués sont aussi de gros consommateurs d’hélophytes : ils consomment 25 à 41 % de leur poids en végétaux par jour et génèrent une importante quantité de déchets. Des expérimentations sur les étangs piscicoles en Dombes montrent qu’en une saison de végétation, une roselière peut progresser dans un enclos grillagé, inaccessible au ragondin, alors que dans une zone témoin contigüe de même surface, la roselière ne se développe (presque) pas (source : ONCFS).Dans le cas de plantations, il est primordial de protéger les mottes plantées par du grillage. Parfois, une gestion par régulation peut s’avérer indispensable. Le ragondin pourra être piégé au grand jour, mais il faudra être attentif en cas de présence du castor. Attention aux carpes amour (Ctenopharyngodon idella) : même si le législateur (loi pêche 1984) interdit l’introduction de cette espèce dans les eaux libres en France (qui nous concernent ici), elle peut être présente dans certains secteurs et son impact sur les herbiers aquatiques n’est plus à démontrer.
[1] « Les cahiers techniques » est une collection du réseau des acteurs d’espaces naturels de Rhône-Alpes.
Chaque numéro est le fruit d’une collaboration entre plusieurs spécialistes du sujet.
Animation et coordination : Pascal Faverot
« Les roselières des fleuves et des lacs »
est réalisé par André Miquet et Elisabeth Favre
dans le cadre d’un comité de rédaction associant Hervé Laydier (CNR), Laurence Curtet (ONCFS), Catherine Strehler (GEG de la grande cariçaie).
Ont contribué à la réalisation de ce numéro : Christophe Moiroux (CNR), Noël Corget (VNF) et Régis Fontaine (SMSD).
[2] Un phytocide est une substance active ou une préparation phytosanitaire ayant la propriété de tuer les végétaux. Le terme « désherbant » est synonyme d’herbicide et de phytocide.
[3] Le batillage est l’ensemble des vagues produites par le sillage des bateaux et qui déferlent contre les berges, entraînant une dégradation de celles-ci.
« Les cahiers techniques » est une collection du réseau des acteurs d’espaces naturels de Rhône-Alpes.
Chaque numéro est le fruit d’une collaboration entre plusieurs spécialistes du sujet.