Article tiré du Dauphiné Libéré du 14 septembre 2014 édition papier.
Les risques de la plongée en eau profonde
L’enquête se poursuit pour tenter d’expliquer l’accident qui a coûté la vie vendredi à deux plongeurs, originaires de l’Isère, dans le lac du Bourget (lire notre édition d’hier). Une femme et un homme expérimentés qui évoluaient le long d’une grande falaise plongeant dans la rive ouest du lac, à plus de cent mètres de profondeur. Un secteur bien connu, et redouté, d’Alain. De Bellis, conseiller technique départemental des sapeurs-pompiers. Il participait aux secours. Il nous explique comment son équipe se forme, s’entraîne et intervient. Il nous dit aussi pourquoi même les plongeurs les plus chevronnés se méfient de leurs propres connaissances dans un milieu qui n’est pas naturel pour l’homme.
« Cela faisait. Longtemps (2006) que nous n’étions pas intervenus pour, un accident aussi grave, mais nous nous y préparons en permanence. »
Ils sont 26 pompiers spécialisés appartenant à l’équipe départementale répartie entre Aix-les-Bains et Chambéry. « Nous sommes appelés à plonger aussi bien dans les lacs de plaine que de montagne sous la glace, en eaux vives, en canyon, dans .des grottes ... Nous pouvons aussi intervenir à la demande de la gendarmerie dans le cadre d’enquêtes (recherches d’armes, d’objets immergés ...). D’où l’importance de nous entraîner en permanence. Nous devons le faire au moins vingt fois par an, mais la plupart dépassent la trentaine d’entraînements. ».
Pourquoi faut-il y consacrer tant de temps une fois que la technique est acquise ?
« Il est indispensable de créer un climat de confiance et de cohésion au sein de l’équipe. Avant de plonger, chaque briefing doit être minutieux et précis. Sous l’eau, on ne peut plus communiquer que par des regards et des gestes. On ne doit pas tergiverser. Il y a des automatismes à acquérir pour rester en pleine possession de ses moyens. »
Quels risques présente le lac du Bourget ?
« Ils sont liés au nombre d’activités pratiquées : baignade, aviron, pêche, plongée. De plus, il est survolé par des avions. Et selon les saisons, l’eau est plus ou moins trouble. Au fond, on ne voit plus rien, sauf avec un projecteur. À 40 mètres, l’eau ne dépasse pas 4 à 5 "C, ce qui limite beaucoup le temps de plongée. Nous n’y restons pas plus de 15 minutes. Le froid et l’absence de visibilité peuvent générer un stress supplémentaire. Sans oublier les effets du mélange que l’on respire. Il peut réduire le champ de vision et la capacité d’analyse. D’où l’obligation de ne pas y aller quand on est contrarié ou fatigue quel que soit son niveau technique. »
« Ce lac est connu aussi pour ses zones de très grande profondeur (plus de 100 mètres). Comme dans le secteur où s’est produit l’accident de vendredi. Mais nous n’avons .pas le droit de descendre en dessous de 60 mètres. Plus bas, il faut faire appel à un scaphandrier ou utiliser un robot. »
Les accidents sont-ils fréquents ?
« Non, le dernier accident mortel remonte à 2006. Or, c’est un lac convoité. On y vient de toute la région pour plonger. Mais c’est une activité très encadrée. La plupart des pratiquants appartiennent à des clubs, qui connaissent parfaitement les procédures. Ils savent qu’il ne faut rien laisser au hasard. On parle des accidents mortels. Mais il peut y avoir des séquelles irréversibles si l’on ne respecte pas les règles de sécurité. »
Propos recueillis par Jacques LELEU
Les suite de l’accident
L’enquête se poursuit pour déterminer les causes de l’accident qui a coûté la vie à deux plongeurs expérimentés venus de l’Isère pour explorer le site de la Grande Cale, où la femme est descendue à 104 mètres avant de trouver la mort. L’homme âgé d’une soixantaine d’années s’appelle Amor Oliac. I1 était moniteur du club de plongée matheysin (La Mure).